Le milieu des années 50 est donc musicalement marqué par l’explosion du rockabilly. Elvis en tête.

Cependant les artistes noirs ne sont pas en reste, loin de là ! Fats Domino, Little Richard et Chuck Berry seront même les pilliers (hyper-) créatifs du Rock’n’Roll lors de ses années les plus prolifiques.  Little Richard sur son piano, déjà considéré comme le père du rock, signe dès son premier 45 tours quatre de ses standards. Dont Tutti Frutti – qu’Elvis reprendra quelques temps plus tard – et Long Tall Sally en 1955.

Et que dire de Chuck Berry et son Johnny B. Goode en 57 ? De son jeu de guitare et son jeu de scène qui iront jusqu’à influencer Les Stones et Angus Young (guitariste de ACDC)des décennies plus tard?

Qu’il soit de l’école du piano et des cuivres ou de celle de la guitare et contrebasse, le rock’n’roll va, avant tout, permettre de fissurer les barrières de la ségrégation. 

De mélanger deux genres, deux populations, deux couleurs.

Avec une force particulière : celle de la jeunesse…

Talk (Rock) Show 

Car, oui, le rock’n’roll est aussi le tout premier style musical à s’adresser directement aux jeunes. Apportant son lot de légèreté à toute une génération d’adolescents, non concernée par la guerre, qui se sent enfin exister.

Une jeunesse qui obtient alors, grâce à cette musique et ses codes vestimentaires, une identité propre en opposition avec la génération précédente. Et il évoque donc, très logiquement et majoritairement, les préoccupations liées à cette tranche d’âge : l’école, les fringues, les voitures, les clopes, la fête…

Mais le rock sait aussi s’adoucir, voir se faire sirupeux, car 1955 marque également l’arrivée des slows avec The Platters.

Le rock, synonyme d’insouciance, fait sautiller, danser, sourire, s’aimer…

Mais… 

Vous vous rappelez l’épisode précédent, quand j’évoquais le « and » de rock and roll mangé par le disc jockey Alan Freed ? En écrivant que ce n’était pas si anodin…?

Rock’n’roll, Baby !

Tout ce succès, le rock le doit en grande partie à Alan Freed et à son émission radio Moondog’s rock’n’roll party, diffusée à une heure de large audience dès 1951. Il a été le tout premier disc jockey blanc à défendre et promouvoir avec force des artistes noirs. Ce qui a permis ce mélange des genres mais qui a fait de lui, pour la « bonne société américaine », l’ennemi à abattre jusqu’à son décès en 1956. 

Ceci étant… Un peu d’étymologie : 

Les termes rock et rock AND roll sont apparus, associés à la musique, vers la fin des années 30. 

Ils évoquaient alors le fait de danser. Rock se traduisant par « bouger » (éventuellement « secouer ») et Roll, qui vient d’ailleurs du vieux français, signifie rouler. (Ici, dans la musique, « tourner sur soi-même »). Cependant, le terme rock and roll apparaît dès le XVIIe siècle, dans le vocabulaire marin sous la forme « rocking and rolling » qui signifiait alors que l’embarcation était chahutée par les flots…

Quelques temps oubliée, cette expression réapparaît au début du XXe, toujours chez les marins, mais semble à présent désigner le même mouvement mais pour évoquer l’acte sexuel…Alors, l’air de rien, manger le « and » du terme qui séparait alors l’action de danser : de bouger ET de tourner / rouler … Il n’en fallait pas plus pour définitivement modifier l’expression en argot !

Et bien qu’Alan Freed se défendra d’avoir voulu entériner une connotation sexuelle, les rockers, n’ont pas hésiter à s’en saisir et à provoquer un peu plus encore les bonnes moeurs…

Great Balls… Of Fire ! 

Carol, Nadine, Maybelline, Suzy Q, Long Tall Sally, Jenny Jenny… J’en passe ! Autant de chansons portant un prénom féminin pour titre devaient bien cacher une seconde lecture impliquant autre chose que de danser…

Puis il y a eu, bien-sûr, Elvis qui a secoué tout le monde avec son jeu de scène. 

Lors de son interprétation de Hound Dog (chien / chienne de chasse), en juin 54, diffusée à la télé, il laisse sa guitare en coulisses et choisi de faire profiter les spectatrices de mouvements très suggestifs…

Tellement choquant qu’il dut, un mois plus tard, alors qu’il présentait de nouveau la chanson pour la télé, l’interpréter littéralement… devant un Basset Hound (oui, un vrai chien) en portant un haut de forme et une cravate… Ce qui ne l’empêchera toutefois pas, par la suite, d’assumer pleinement son surnom de Pelvis (bassin) Presley lors de ses concerts.

Il y a aussi Little Richard, qui, bien qu’il devait cacher son homosexualité, n’hésitait pas à mettre en avant son côté efféminé, apparaissant même maquillé sur scène.

Mais la goutte d’eau viendra de Jerry Lee Lewis – le plus « frappé » de tous – et son succès Great Balls of Fire, fin 57…

Où, là, il ne fallait même plus creuser les paroles pour y voir un deuxième sens… Pourtant, malgré une interdiction de passage à la radio et la télé à cause de ses paroles explicites – et une autre pour que le titre de la chanson n’apparaisse pas sur la pochette de son 45 tours- la chanson se voit classée dans le top 5 en Amérique et même numéro 1 en Angleterre !

Rock must die…

Mais c’en était trop pour le bien pensant, puritain et conservateur etablishement américain !

Déjà que le rock’n’roll faisait se rapprocher noirs et blancs; qu’importe si la jeunesse semblait se délecter de son côté lascif, le rock était sale ! Le rock la perverti et le rock est à abattre. 

En 1959, un autodafé des 45 tours d’Elvis est même organisé par un animateur radio. 

Et cette chasse au rock’n’roll connait son équivalent en France ! Alors que le responsable de la programmation musicale d’Europe 1 casse en direct un disque de Johnny Hallyday. 

… Johnny… Hallyday… Rendez-vous compte du délire !

Mais vous savez le pire dans tout ça… ?

L’État ne va même pas avoir à forcer ! Entre série d’événements et balle dans le pied, le rock va finalement s’auto détruire: Little Richard décide de devenir pasteur, Elvis Presley est appelé pour son service militaire et est envoyé en Allemagne, Buddy Holly puis Eddie Cochran se tuent dans des accidents… Chuck Berry va être condamné à 20 mois de prison pour avoir fait passer une jeune fille mineure, à la frontière mexicaine, et qui l’accusera d’avoir cherché à la prostituer… Et Jerry Lee Lewis, notre goutte d’eau, ne trouve rien de mieux qu’épouser une fille âgée de 13 ans… Accessoirement sa cousine… Ils auront même deux enfants ensemble…

Et à la toute fin des années 50, le rock’n’roll voit son électrocardiogramme plat… 

1960, le rock’n’roll est déclaré mort.

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