Comme évoqué dans l’épisode précédent, le chant, du moins, la mélodie avec la voix, remonte aux premiers hommes, qui l’utilisaient afin de communiquer entre eux.  Mais cette forme d’expression musicale et vocale, aujourd’hui prépondérante servit, avant tout, à l’homme pour divers rituels et s’adresser à Dieu.

 Aux dieux. Et ceux dans toutes les civilisations.

Si l’on doit aux Grecs de l’antiquité, la première grosse évolution de la musique, c’est durant le moyen-âge que le chant, lui, va commencer à devenir ce qu’il est.  Via les églises…

Les voix des Dieux 

Le chant est donc principalement liturgique. Et en Europe, il était surtout la voix des Papes qui avaient leurs propres écoles spécialisées pour former des choristes accompagnant les prières, la Schola Cantorum.

Ce chant dit « chant vieux-romain » était caractérisé par une seule ligne mélodique et devait être interprété à l’unisson sans accompagnement musical.  Le credo de l’église étant alors : « Le texte (la prière, en latin) doit primer sur la musique ! » 

Selon le pape Grégoire I (540 – 604), cette façon de chanter permettait de favoriser l’intériorisation et la conscience des paroles. C’est en son nom qu’elle fut donc rebaptisée : chant Grégorien. Petit à petit, le chant Grégorien va regrouper et synthétiser les anciennes traditions européennes comme les poésies en vieux-latin et les chants romano-franc, synagogal et byzantin.

Paradoxalement, c’est en voulant mettre en avant le chant que l’église va le plus contribuer à l’évolution de la musique…

Pape Grégoire I

Têtes de Neumes 

Si la Grèce antique et Pythagore permirent une première notation musicale, elle servait alors plus à indiquer les thèmes et les modes qu’à servir de base. Et la musique continuait à se transmettre oralement dans le reste de l’Europe.

Cependant, le chant Grégorien se développe rapidement et il devient impératif de tout noter. Ainsi, à partir du IXe siècle, l’église va utiliser ce qu’on appelle : le neume.Il s’agissait de points et/ou d’accents qui étaient appliqués à une syllabe pour indiquer s’il fallait « monter » ou « descendre » la voix. Ces neumes se doubleront, tripleront et se spécialiseront lorsque le chant Grégorien deviendra polyphonique : Le Plain-Chant.

Et c’est sous la forme de cette notation carrée, sur une à quatre lignes – selon le nombres de voix – que naît le solfège.Sous des appellations aussi barbares que : Scandicus, Porrectus, Quilisma, Trigon ou Oriscus pour ne citer qu’eux..Mais la notation moderne, celle que l’on utilise toujours aujourd’hui, va voir le jour en Italie juste quelques petites années plus tard.

Et devinez par qui et comment..?

« Écoute sa prière, sa prière »

Guido d’Arrezzo (ap 992 – ap 1033) est un moine bénédictin, et sûrement l’homme d’église qui a le plus contribué à l’essor de la musique. Le Père de la musique, c’est lui.

Guido rédigea de nombreux manuscrits sur la musique, se rapprochant plus de la philosophie des Grecs. Il était surtout un grand pédagogue, et, n’étant pas fan de l’idée de simplement mettre des gifles aux enfants de chœur qui ne retenaient pas leur chant, comme ses confrères, il se servit de sa main autrement…

Ayant ajouté une ligne de portée, maintenant, à cinq, il remarqua que tous les degrés de l’échelle musicale pouvaient être assimilables aux jointures et aux phalanges des cinq doigts de la main ouverte.

C’est la « main guidonienne « 

Et il ajoute sur chacune de ses lignes, une lettre clef pour indiquer la valeur d’ intonation. C’est la « gamma ». La gamme.Mais plutôt que d’utiliser les neumes des prêtres ou les premières lettres de l’alphabet des Grecs, il décida de nommer ses notes selon les premières syllabes de sa prière préférée, celle à Saint-Jean :

« Pour qu’il chante d’une voix vibrante les merveilles de tes actions, absous le péché des lèvres impures de ton serviteur, ô saint Jean »

En latin : 

« Ut * queant laxis

Resonare fibris

Mira gestorum

Famili tuorum,

Sol ve polluti 

Labii reatum

Sancte Iohannes »

 * Le « Ut » étant jugé trop dur à l’oreille, il sera transformé en Do en 1673. 

Chantée avec une mélodie qui monte de degré en degré, plus pratique pour apprendre les hauteurs relatives de la gamme, ce système va définitivement révolutionner l’apprentissage de la musique ! Dispensant les élèves d’apprendre par coeur, à l’oreille, les morceaux de musique et de chant. Il a facilité la transcription des notes et leur lecture…

Mais, bien sûr, la musique ne serait pas devenue ce qu’elle est, si elle était restée entre les mains – et les cordes vocales – des serviteurs de dieux. Et cette scission va s’opérer… Et bien… Exactement dans le même temps; entre la fin du moyen-âge et le début de la renaissance. Et pas très loin de ces mêmes églises…

En fait, il suffisait simplement de traverser la rue, comme dirait l’autre…

Brice Leclerc

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