Brice, notre incroyable encyclopédie musicale, continue de nous raconter l’histoire de la musique. Et c’est passionnant !
Si dans l’antiquité, les Grecs ont été les premiers à percevoir la musique comme un art à part entière et à la codifier grâce à Pythagore, ce sont les hommes d’églises dans le reste de l’Europe, qui permirent l’évolution du chant. Ainsi que la notification musicale, avec les Neumes, prémices du solfège.
Mais évidemment, la musique ne serait sûrement pas ce qu’elle est aujourd’hui si elle était restée sur cette voie…Et tout cela s’est joué à la même époque, dès le Moyen Âge, sur le perron même de ces églises. Là où quelques hommes et femmes désacralisèrent la musique. La profanèrent, pour créer une musique plus populaire.
Et mieux encore ? C’est en France, que tout commence…
Le Moyen Âge : Aux origines de la musique « Pop »
Aux alentours de l’an mille, on commence à voir apparaître un grand nombre de créations non religieuses exprimant le désir d’élargir le domaine de l’art. Et, forcément, de la musique.
Un mouvement poétique, lyrique et musical prend source dans le sud de la France. On les appelle les « Trobadors de Provence ». Très vite, le courant prend de l’ampleur et englobe toute la partie au sud de la Loire (hormis le pays basque). Ces « troubadours » chantent et écrivent en langue d’oc, qui se substitue au latin. S’affranchissant, ainsi, des codes de l’église.
Et dès que l’on franchit la frontière de la Loire, on parle des « Trouvères”.. Les « poètes-musiciens du Nord » qui s’expriment, eux, en langue d’Oil. Il s’agit, d’ailleurs, bien de la seule distinction entre les deux car le mouvement de fond, artistique, est bien le même.
Trouvères et Troubadours
Bien que le terme troubadour soit devenu quelque peu péjoratif, la culture populaire aimant l’assimiler à l’image des « bouffons du roi », il n’en était rien. C’est même tout le contraire !
C’est d’ailleurs grâce à leurs statuts que le mouvement a pu voir le jour. Car ils avaient accès aux notifications musicales et aux différentes techniques de chants jusque là bien gardées par l’église…Ces poètes-musiciens ne laissent d’ailleurs que peu (voir pas) de place à Dieu dans leurs textes. Leur préoccupation première était l’amour.Ils inventent même la notion de « fin’amor » (amour raffiné ou « courtois ») qui fait étal de la complexité des sentiments : plaisir, désir, amour véritable, contrarié ou impossible… Ce qu’ils considéraient comme la plus haute expérience à vivre.
Il furent tellement prolifiques (environ 2500 chansons) et populaires au cours du XIIe siècle, qu’il fut baptisé « le siècle de l’amour » par les historiens. Ces textes d’amour accompagnés au Luth, flûtes, vielles et parfois à la Harpe étaient appelés des « canso ».
Ainsi, naît la chanson. Elle est populaire, se construit avec des refrains, et elle parle principalement d’amour. Mais on trouve aussi dans le registre des Troubadours quelques chansons sur la chevalerie et des « Ballades ». Ces dernières, plus musicales, étaient destinée à être dansées. Et il y avait les « Sirventes » : Des chansons qui se distinguaient par un caractère satirique ou politique. Ce qui a contribué à voir naître un courant un peu plus… disons… Radical.
Les Goliards
La popularité des troubadours fait des émules.
Dans les pays germaniques viennent les « Minnesänger ». Et des « chansons d’amour » fleurissent un peu partout aussi en Italie, en Espagne et au Portugal. Mais à la fin du XIIe siècle, émerge un nouveau courant de « poésie-musicale » bien plus subversif, personnifié par les Goliards.
On ne sait rien de leur réelle identité vu qu’ils n’ont sévit que sous pseudos (dont le plus connu est « Archipoète » et faut avouer que ça déchire. Ndlr). Ce que l’on sait, en revanche, c’est que ce courant, aux traces retrouvées partout en Europe, est né en France. Au sein même du clergé !
Il s’agissait de jeunes « escoliers » en théologie qui, selon l’un d’eux, étudiaient : « les arts libéraux à Paris, le droit à Orléans, la médecine à Salerne, la magie à Tolède et les bonnes manières nulle part! » Ces poètes musiciens et ménestrels étaient bien plus itinérants que les troubadours. Autre différence notable, quand ils chantaient et écrivaient l’amour, il était bien moins romantique et plus « sexualisé » que leurs aînés. Ils évoquaient aussi la boisson, les jeux, les autres divinités… Tout pour se faire détester au plus haut point par l’église, en somme.
Et par les rois aussi !
Car, très satiriques, ils ne manquaient jamais une occasion de protester, entre autres, contre les abus financiers.
Si l’on peut prétendre que les troubadours sont à l’origine de la musique populaire et de la chanson d’amour. Il ne fait aucun doute que les Goliards représentaient déjà la première forme de Rock’n’roll. En tout cas, c’est à eux que l’on doit les prémices des troupes de théâtre.
L’un de leur plus célèbre recueil s’intitule « Carmina Burana » et vous connaissez au moins un de leur poème : « O Fortuna ». Mis en musique en 1936 par le compositeur Carl Orff qui est, depuis, devenu une pièce importante de la musique Classique.
Et d’ailleurs ? Le moyen-âge touche à sa fin et il n’y a encore aucune trace de musique dite « Classique »… D’autant, que, la musique mais l’art en général n’est plus la priorité des gens en ces temps troublés par l’apparition de la peste noire…
Qui emportera, avec elle, les mouvements troubadours et Goliards…
Brice Leclerc